Bonjour,
Il y a longtemps que je ne vous ai pas parlé de nutrition si ce n'est pour énumérer les caractéristiques nutritionnelles de certains aliments. Or il est un sujet qui intéresse beaucoup d'entre vous et que je n'ai que peu abordé : les édulcorants. Sont-ils nocifs, sont-ils efficaces pour lutter contre la prise de poids...???
Il se trouve que je viens de répondre à ces questions et particulièrement à celle de la toxicité de l'aspartame. En effet, j'ai reçu une mise en garde contre ce produit infiniment dangereux d'après l'auteur. Beaucoup d'idées fausses circulent sur internet et, en toute modestie, je voulais dire ce que je savais à ce sujet. Je vous livre ma réponse qui répondra, je l'espère, à certaines de vos interrogations.
Réponse à l’alerte et à la mise en garde adressée
par le Docteur M. G.
au sujet de l’aspartame
Bonjour,
Je n’ai pas l’habitude de répondre à ce genre d’article mais je pense que je me dois aujourd’hui de faire un point sur l’aspartame et sur sa toxicité présumée. Et j’en profiterai pour vous donner mon point de vue de médecin nutritionniste sur cet édulcorant.
Certains diront que j’ai été payée par les Laboratoires Searle qui ont commencé à commercialiser l’aspartame en 1974 et par Nutrasweet® qui a repris sa commercialisation. C’est vrai, j’ai travaillé (il y a longtemps) pour ces deux sociétés, toutes deux filiales de Monsanto. Mais il est aussi vrai que j’ai pu avoir accès à toutes les études qui ont permis la mise sur le marché de l’aspartame et sa commercialisation et me faire une petite idée sur la question.
Je vais donc me permettre de reprendre point par point les affirmations contenues dans cet article.
Sur la composition de l’aspartame
L’aspartame ou E951 (Canderel®, Pouss-suc®, Nutrasweet®…) est un édulcorant de synthèse composé de deux acides aminés (qui sont les constituants des protéines). C’est l’ester méthylique du dipeptide L-aspartyl-L-phénylalanine. Il est métabolisé dans le tractus digestif en méthanol (10%), en acide aspartique (40%) et en phénylalanine (50%).
La phénylalanine est un acide aminé essentiel (que l’organisme ne sait pas synthétiser et qui doit donc être apporté par l’alimentation). Elle est présente dans la plupart des aliments et en particulier dans les légumes et les graines mais aussi dans le lait, les viandes etc. Monsieur G. nous dit que 2% de la population pourraient être allergiques à cette phénylalanine. Ce qu’il faut savoir c’est que certaines personnes (1 sur 16 000), atteintes d’une maladie génétique rare, la phénylcétonurie, qui est détectée dès la naissance, n’ont pas l’enzyme nécessaire à la dégradation de la phénylalanine. Il leur est donc demandé d’avoir un régime pauvre en phénylalanine. C’est pourquoi tous les aliments contenant de l’aspartame doivent mentionner « contient de la phénylalanine » sur leur emballage.
L’acide aspartique est lui aussi un acide aminé mais non essentiel. Comme la phénylalanine, il participe à la synthèse des protéines. L’aspartate qui est issu de l’acide aspartique joue le rôle de neuro-transmetteur, c'est-à-dire qu’il facilite le transfert d’informations de neurone en neurone. Monsieur G. affirme que c’est un produit hautement dangereux pour le cerveau. Il est vrai que l’ingestion de doses très élevées d’aspartate peut entraîner à terme la destruction d’une partie des neurones Pour arriver à la limite considérée comme toxique, il faudrait ingérer des doses d’aspartame très largement supérieures aux doses recommandées. Il faut savoir aussi que nombre d’aliments contiennent beaucoup plus d’acide aspartique que l’aspartame.
Le méthanol, qui est pour Monsieur G. un « poison mortel » est un alcool qui se décompose dans le corps en formaldéhyde, en acide formique et en dioxyde de carbone. Les deux premiers sont effectivement toxiques à partir d’une certaine dose. Le premier est reconnu comme cancérigène, le deuxième peut provoquer des problèmes de vue. Ce qu’il faut savoir, c’est que le méthanol est toxique pour l’organisme à partir de 200 à 500 mg/kg/jour. Or, en ingérant la DJA (dose journalière acceptable) d’aspartame, soit 40 mg/kg/jour, on se retrouve avec environ 4 mg/kg de méthanol dans l’organisme ! Il faut savoir aussi qu’il y a du méthanol en quantités beaucoup plus importantes dans les fruits et légumes et donc dans les jus de fruits et de légumes (200 à 280 mg dans un litre de jus de fruits, 48 mg dans un litre de boisson à l’aspartam) et dans les boissons fermentées comme la bière ou le vin.
Sur les effets secondaires de l’aspartame
Monsieur G. énumère quelques-uns des effets secondaires relevés après prise d’aspartame. Aucun n’a pu être directement rapporté à la prise de cet édulcorant. D’autres ont accusé l’aspartame d’être à l’origine de l’augmentation de l’incidence de tumeurs du cerveau aux USA dans les années 80. Monsieur G. omet d’en parler.
Les quelques 200 études effectuées sur l’aspartame ont été évaluées par des organismes nationaux et internationaux, dont la FDA (Food and Drug Administration) et l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA). Malgré les conflits d’intérêt qui ont pu survenir, elles ont apporté des informations fiables et montré l’innocuité de ce produit qui a obtenu l’autorisation de mise sur le marché dans au moins 93 pays.
Où se cache l’aspartame
Monsieur G. a raison de dire que beaucoup de produits contiennent de l’aspartame : les chewing-gum sans sucre (on devrait ajouter « cariogène » car ils contiennent en général d’autres sucres que le saccharose qui, s’ils ne provoquent pas de caries, contiennent cependant des glucides contrairement aux édulcorants), les confiseries sans sucre, les boissons sans sucre mais il oublie les médicaments. Or plus de 600 spécialités contiennent de l’aspartame.
CONCLUSION
En l’état actuel de nos connaissances, on peut dire que l’aspartame est un produit dont l’innocuité a été reconnue. Il n’y a donc pas lieu de supprimer sa consommation.
Mon intervention d’aujourd’hui n’a pas pour but de conseiller l’utilisation de l’aspartame. Bien au contraire. En tant que médecin nutritionniste, je ne peux que vous prévenir contre sa consommation mais pour d’autres raisons que celles évoquées par l’article auquel je réponds. En effet, même si les édulcorants (il n’y a pas que l’aspartame) ne sont pas dangereux à doses raisonnables pour la santé, ils entretiennent cependant la dépendance au sucré. Et nombreux sont ceux qui, considérant les aliments allégés en sucre comme des produits peu caloriques, consomment sans compter ces aliments au goût sucré, souvent plus gras que leurs homologues sucrés, sous prétexte qu’ils ne contiennent pas de sucres mais des édulcorants. Ils pensent que ces aliments ne font pas grossir.
Même si ces aliments allégés en sucres sont moins caloriques que leurs homologues sucrés (ce qui n’est pas toujours le cas, seules les étiquettes peuvent vous le dire), leur prise n’entraîne pas obligatoirement une perte de poids. En effet, le cerveau sait compter et pour vous le démontrer, je vais vous raconter l’histoire d’une étude comparant deux desserts, l’un sucré à l’aspartame, l’autre au saccharose (sucre de table). Les deux groupes de sujets de l’étude avaient le même repas imposé à midi. Seul le dessert changeait. L’un était sucré à l’aspartame, l’autre au saccharose. Tous les sujets devaient manger la même ration imposée à midi. Pour le dîner, un buffet était proposé et chacun pouvait manger à volonté, selon son appétit. Les rations de chaque sujet au repas du soir étaient évaluées. L’étude durait deux semaines et les sujets qui avaient eu un dessert sucré à l’aspartame la première semaine recevaient un dessert sucré au saccharose la seconde semaine et inversement pour l’autre groupe. Que croyez-vous qu’il se passa ? Je vais vous le dire. Le premier jour, les rations caloriques étaient les mêmes en moyenne dans les deux groupes. Dès le deuxième jour, les rations caloriques étaient supérieures au repas du soir chez les sujets ayant reçu un dessert sucré à l’aspartame. La semaine suivante, ces mêmes sujets qui avaient reçu cette fois-ci un dessert sucré au saccharose (contrairement à la semaine précédente) avaient la même ration calorique que les jours précédents. Dès le deuxième jour de cette deuxième semaine, leur ration calorique était diminuée. Dans l’autre groupe, les résultats étaient similaires. La ration alimentaire se stabilisait dès le deuxième jour du nouveau régime. L’organisme s’était adapté pour avoir toujours la même ration calorique. Ce qui prouve bien que l’organisme ne se laisse pas leurrer, si ce n’est pendant 24 heures. De quoi réfléchir, non ?
Cette étude corrobore ce que je vous ai déjà dit : le cerveau sait compter (sauf pour les boissons sucrées, nous y reviendrons). C'est pour cela qu'il faut respecter ses sensations de faim et de satiété. Nous en reparlerons mais en attendant, je ne peux que vous conseiller de manger le moins de produits industriels possible, avec ou sans édulcorants et d'être à l'écoute de votre organisme.
A bientôt !
P.S. Excusez les changements de police, j'ai fait du "copier-coller" pour reproduire mon article et je n'ai pas pu tout homogénéiser. Les mystères de l'informatique...