Bonjour,
Décidément, il fait trop mauvais ici et j'ai envie de rivages plus ensoleillés. Alors, je me promène dans mes albums de photos pour voir un peu de ciel bleu. Et j'arrive à Tanger.
Tanger, ville mythique entre l'Europe et l'Afrique, entre les eaux vertes de l'Atlantique et les eaux bleues de la Méditerranée, porte du Maroc, est une ville cosmopolite qui ne laisse personne indifférent.
Depuis le IVe siècle avant J.C., au cours duquel Carthage y crée un comptoir commercial, jusqu'à la fin du XXe siècle, l'histoire de Tanger se lit comme une succession ininterrompue de batailles, de périodes d'occupation et de mainmise des grandes puissances étrangères. Tour à tour romaine, vandale, byzantine, marocaine, portugaise, anglaise, marocaine, espagnole, marocaine, elle est entre 1912 et 1956 sous domination européenne. En 1925, elle obtient un statut international. Un tiers de ses habitants était des étrangers. Les lycées sont français et italien, les écoles espagnole, anglaise, américaine, franco-musulmane, franco-israélite... Il y a des journaux et des radios en français, en espagnol, en anglais et deux radios internationales multilingues. Les 17 salles de cinéma de l'époque représentent chacune une langue, une nationalité ou une appartenance culturelle.
Zone internationale, elle est une ville où cohabitent diverses communautés et religions. Zone franche, c'est un lieu propice à tous les trafics et aux transgressions de tous ordres.
En 1940, après la défaite de la France, les Espagnols occupent la ville qui retrouve en 1945 son statut international.
Les cinéastes, séduits par l'atmosphère particulière et ambiguë de cette ville, en font le décor d'intrigues qui contribuent largement à en construire le mythe. Pour des spectateurs ayant la soif de l'Orient et en quête d'exotisme, ils représentent Tanger comme la plate-forme de la contrebande et du commerce de stupéfiants, une ville où se côtoient diplomates, militaires et marins, espions et aventuriers, une ville où fleurissent les cabarets plus ou moins louches sur fond de palmiers avec quelques indigènes en figurants.
Avant la seconde guerre mondiale et dans les années qui suivirent le conflit, Tanger est pour les occidentaux le lieu magique qui attire les artistes, les peintres, les stars du cinéma, les écrivains et les milliardaires. C'est le lieu de tous les excès et des fêtes les plus fastueuses comme celles organisées par la célèbre milliardaire Barbara Hutton. La ville a son autonomie financière et son assemblée législative composée de fonctionnaires internationaux désignés par leur consul et de neuf Marocains. C'est l'époque du plus grand rayonnement de la ville, tant dans le domaine culturel que dans celui des affaires.
Tanger a été révélée aux peintres européens par Delacroix qui est inspiré par sa lumière et l'exotisme de son architecture et de ses habitants. Van Dongen y peint quelques-unes de ses plus belles toiles. Matisse s'y installe en 1912 puis en 1913 sur les conseils de ses amis Marquet, Camoin et de Gertrude Stein. La luxuriance de la végétation le fascine. D'autres le suivront comme Majorelle et plus tard Francis Bacon ou Robert Rauschenberg...
De Truman Capote à Jack Kerouac, en passant par Tennessee Williams, Paul Morand, Roland Barthes, Jean Genet, Marguerite Yourcenar, Paul Bowles ou Joseph Kessel, Allen Ginsberg, Williams S. Burroughs, nombreux sont les écrivains qui ont jour ont décidé de venir vivre à Tanger. C'est Paul Bowles, qui appelait Tanger la "dream city", qui a converti le Tanger des films noirs et d'espionnage en escale obligée de la jet-set culturelle.
Tous fréquentent la fameuse Librairie des Colonnes, le café Hafa ou encore le café Fuentes, dans le petit Socco, l'hôtel El Minzah ou la Villa de France.
Tous, sans oublier Mohamed Choukri et Tahar Ben Jelloun, ont vanté les charmes de cette ville dont le fin mot demeure... le mystère.
Suivez leur trace dans l'album photos "Tanger". Et si vous passez dans cette ville, n'oubliez pas d'aller visiter le musée de la Kasbah et ses magnifiques jardins, et celui de la Légation Américaine. Et, après avoir flâné dans le marché, dans le Petit et le Grand Socco, allez faire un tour à l'Église Saint Andrews avant d'aller faire un tour à la plage ou d'aller admirer les maisons de la Vieille Montagne...
Vous pourrez ensuite prendre un bateau pour rejoindre l'Espagne (qui n'est qu'à 14 km et qu'on voit de partout)...
A moins que vous ne préfériez aller faire un tour au bar de l'hôtel El Minzah...
Et continuer votre visite de Tanger qui est au Maroc une ville pas comme les autres. Une ville chargée d'histoire qui a été choisie par le Sultan Mohammed V pour y prononcer il y a 65 ans, le 9 avril 1947, le fameux "discours de Tanger" devant les représentants des puissances étrangères affirmant la volonté du Maroc de recouvrer son indépendance et son unité nationale. Sa fille aînée, S.A.R. Lalla Aïcha*, alors âgée de 17 ans, prit la parole en public sur la place du Grand Socco pour appeler à la scolarisation des femmes et à l'indépendance de son pays.
Bonne promenade !
* Lalla Aïcha s'est éteinte l'année dernière à Rabat. Pour tous les Marocains, elle était l'icône de l'émancipation des femmes marocaines. Pour tous ceux qui, comme moi, ont fréquenté le lycée Lalla Aïcha à Rabat, elle était encore plus. Et tous ceux qui avaient la chance de jouer au golf à Dar Es Salam, à Rabat, ont gardé le souvenir de cette princesse pas comme les autres.