Bonjour,
Hier, j'ai mis des pois chiches à tremper dans l'eau et je vais aujourd'hui les faire cuire et les accommoder. Et en profiter pour faire un petit article sur ce légume qui est trop souvent délaissé dans la cuisine française. La plupart des ouvrages de cuisine de l'hexagone l'ignorent si ce n'est quelques livres de cuisine du Midi.
Il faut dire que des images peu élogieuses s'attachent à lui. Pour beaucoup il évoque encore la frugalité, la pauvreté voire la grossièreté, ce que reflètent de nombreux dictons. Il marque souvent la dérision : avoir un pois chiche à la place du cerveau ne signifie pas avoir une intelligence brillante. La référence au pois chiche est fréquemment utilisée pour exprimer l'absence de qualité avec une nuance de mépris.
La tradition catholique et également la tradition orthodoxe ont longtemps réservé la consommation du pois chiche aux jours maigres et aux jours de pénitence. A Nice, l'usage voulait que l'on mange des pois chiches le mercredi des Cendres, le Vendredi saint et le jour des Morts. En Provence, le pois chiche figure aussi sur les tables le jour des Rameaux. Son pas bon crestian lis oustau ounte se manjo ges de cese pèr Rampau (elles ne sont pas bonnes chrétiennes, les maisons où l'on ne mange pas de pois chiches pour les Rameaux). Le manuel de la cuisinière provençale publié à Marseille en 1858 à l'imprimerie Chauffard, écrit : " Le pois chiche n'est pas un légume très délicat, mais on le mange quelquefois en salade et il est peu de tables bourgeoises en Provence où ce plat n'apparaisse pas le jour des Rameaux. C'est un usage dont il serait difficile de trouver l'origine, mais qui est généralement répandu dans nos contrées.Les bonnes femmes prétendent que leurs enfants auraient la teigne s'ils ne mangeaient pas de pois chiches le dimanche qui précède celui de Pâques".
Ce pois rond, le Cicer arietinum (auquel Cicéron doit son nom, dit-on), est certainement originaire de la Méditerranée orientale. En France, il est cultivé dans une partie de la future Occitanie dès le début du mésolithique. Après avoir gagné l'ensemble du pourtour méditerranéen, il conquiert l'Orient, la Perse, l'Inde, l'Afrique noire et, plus tard, l'Amérique.
Longtemps, on s'est accordé à reconnaître au pois chiche des vertus thérapeutiques. Ishaq Ibn Imran, médecin à Kairouan au Xe siècle dit qu'il "accroît le sang et fortifie le corps tout entier". Galien, Avicenne, Platine de Crémone et bien d'autres, lui trouvent des propriétés curatives : le pois chiche serait diurétique, vermifuge, anti-rhumatismal, dissoudrait les calculs biliaires, calmerait les douleurs dentaires... Enfin, on lui reconnait une action aphrodisiaque. Mouhammad-al-Nafzâwî (La prairie parfumée - Phébus) puis Ahmed Ibn Souleimân (Le bréviaire arabe de l'amour - Éditions Philippe Picquier), dans leurs traités d'érotologie rangent le pois chiche parmi les aliments destinés à accroître la puissance sexuelle. De plus, le pois chiche faciliterait la menstruation et la lactation chez la femme. Est-ce pour ses propriétés que le cese (pois chiche en provençal), dans certains coins de Provence, désigne en argot le clitoris ?
Plus récemment, le pois chiche était encore utilisé contre les maladies de peau, pour les cautérisations, contre les furoncles ou encore les verrues.
La consommation culinaire du pois chiche a longtemps été importante. C'était "la viande du pauvre". Puis elle a eu tendance à diminuer, d'abord avec l'arrivée du haricot d'Amérique puis du petit pois d'Italie, à cause de la concurrence des céréales et enfin du fait du goût croissant pour les protéines animales. Ce dernier fait a entraîné une chute brutale de la consommation de tous les légumes secs : en France, de 1880 à 1985, la consommation de légumes secs, par habitant et par an, est passé de 10 kg à 1 kg (source : études sur la consommation des ménages en France).
Les nutritionnistes s'accordent aujourd'hui pour essayer d'inverser cette tendance. En effet, des études ont montré qu'une consommation régulière de légumineuses a des effets bénéfiques sur la santé et entraîne en particulier un meilleur contrôle du diabète, une diminution du risque de maladie cardiovasculaire et de risque de cancer colorectal.
Comme les autres légumineuses, le pois chiche est riche en protéines, en vitamines, en minéraux et en fibres. Un peu plus riche en lipides (acides gras insaturés surtout) que les autres légumes secs, il ne contient pas de cholestérol (présent seulement dans les produits animaux).
Les pois chiches doivent être trempés (pendant 12 h au minimum) puis cuits dans l'eau avant d'être dégustés. On peut aussi utiliser des pois chiches en conserve qui conservent leurs bienfaits. Ils peuvent être utilisés chauds ou froids, en salades, en purée (houmos), dans des soupes ou des plats cuisinés (couscous, garbanzos y chorizos, cocido...) ou en galettes (falafels). Sous forme de farine, il entre dans la composition des panisses et de la socca.
Aujourd'hui, j'ai fait une salade à base de pois chiches. Je vous en donne la recette. Attention ! Les pois chiches gonflent énormément après trempage (cf. photo ci-dessous, à gauche les pois chiches secs, à droite les pois chiches après trempage).
Salade de pois chiches
Pour 6 personnes :
400 g de pois chiches cuits
2 tomates
1 oignon
1 citron
1 cuillerée à soupe de persil ciselé
1 cuillerée à soupe de coriandre fraîche ciselée
3 cuillerées à soupe d'huile d'olive
1 cuillerée à café de piment doux
1 pincée de piment fort
1 cuillerée à café de cumin
Sel, poivre
Couper les tomates en dés. Peler l'oignon et l'émincer finement. Mettre dans un bol les pois chiches égouttés après cuisson, les tomates, l'oignon, le jus de citron, le persil et la coriandre, les épices. Saler, poivrer et arroser avec l'huile. Bien mélanger. Servir frais.
Pas compliqué, non ? Surtout si vous employez des pois chiches en conserve (attention à bien les rincer).
Aujourd'hui, j'ai employé des frais pour vous montrer comment ça gonfle.
Vous pourrez servir cette salade avec d'autres salades comme les salades marocaines dont je vous ai donné la recette. Ici, je l'ai présentée dans un bol à lablabi (soupe de pois chiches que l'on fait en Tunisie). Pois chiche oblige !
A bientôt !